lundi 10 octobre 2011

Réflexions sur le livre électronique

Faire un petit sondage (sur une ou plusieurs pages dans l'ordre de grandeur conseillé 69, 99, 114) semble bien plus facile pour des livres dans leur version numérique. Une connexion internet, et pour peu que le contenu du livre recherché soit disponible dans Google ou sur Amazon, on a tout de suite notre échantillon de décision à l'achat. Évidemment le thème de ce blog suppose qu'on ne se laisse pas aller à faire confiance à un argument marketing ou à un conseil plus ou moins avisé d'une personne plus ou moins proche de nous par ses goûts/exigences/pertinence du jugement.

Or justement le "geek", c'est à dire dans la définition courante de ce terme (péjoratif à l'origine) le fan de nouvelles technologies, ni trop "early adopter" pédant ni trop victime marketing bisounours, en un mot le technophile curieux et enthousiaste que je suis aura tendance à croire, dans un premier temps, puis à vouloir ce changement qui pousse à terme à la marginalisation du support papier.
Personnellement j'ai observé de loin les premiers avatars de machines à encre électronique, puis les premiers appareils viables. De loin le Kindle avec Amazon comme plateforme a toujours été la mieux placée des tentatives, et même l'initiative essentielle pour faire exister et dynamiser ce marché. Ceci dit les premières versions du Kindle de 2007 à 2010 restaient à mes yeux des "ardoises magiques adultes". Sans même évoquer la question de l'offre (j'y reviendrai) la fermeture du Kindle sur son format propriétaire m'a définitivement détourné d'en acquérir un. Je n'ai jamais voulu utiliser iTunes, et donc posséder un iPhone ou un iPod pour cette même raison que je suis un consommateur très exigeant sur la valeur réelle de ce qui m'est vendu.

Comme l'illustre ce blog je n'achète pas à la légère sur le simple principe de la nouveauté, du coup de cœur pour un produit "beau" "génial" "révolutionnaire". Je sais me faire plaisir et parfois, pas tout le temps heureusement, ce plaisir passe par le fait d'avoir creusé le sujet très en profondeur pour être sûr qu'aucun détail ne m'a échappé. Ainsi m'arrive-t-il de me lancer dans une recherche effrénée d'information sur un produit (ou un livre, quoiqu'effréné serait exagéré pour parler d'un test de lecture) et que mon enthousiasme de départ, aiguillonné par un marketing de plus en plus pressant avec internet et les réseaux sociaux, ne survive pas aux résultats de mon analyse poussée. Dans cette discipline, dont je me doute qu'elle ne concerne qu'une bande d'irréductibles gaulois, j'ai surtout fait des achats d'impulsion pour faire plaisir et en ce qui concerne la lecture (et tout ce qui touche à des "expériences esthétiques") partager gratuitement ses expériences est sans commune mesure avec un achat ou une nouvelle expérience de consommation.

Le grand mérite du Kindle donc est bien d'avoir réussi à lancer la dématérialisation du dernier vecteur de culture populaire, après la musique et le cinéma. Mais à mes yeux Amazon lorgne trop sur le modèle éminemment fermé de ce qu'Apple a réussi avec les mp3. Il y a 2 solutions pour une entreprise qui veut fidéliser ses clients : leur assurer jour après jour le meilleur service, et les empêcher d'aller voir ailleurs. La première solution seule serait malheureusement trop naïve pour une entreprise qui doit avoir, derrière son discours marketing de vouloir le bien du client, un stratégie plus élaborée pour maximiser ses investissements.

Avec l'annonce récente du Kindle Fire, Amazon a confirmé cette approche poussée à l'extrême, un extrême largement critiqué sur Facebook qui consiste à vouloir aspirer la vie numérique des consommateurs. Je ne dis pas que le Cloud n'apporte pas un réel service, mais je dois garder l'assurance que le profiling est totalement privé (illusoire) et l'option de récupérer et/ou effacer mes données. Dans le cadre d'achats de mp3 ou de livres numériques, je dois pouvoir utiliser ces fichiers sans restrictions. Ou alors il ne faut pas parler d'achat "d'un droit d'accès encadré par les conditions générales du site", mais directement d'une location dans un cadre précis. Dans ce cas il faudrait revoir un peu la politique tarifaire.

PRIX UNIQUE, PRIX INIQUE

Avant d'arriver en France je dois dire que le prix des livres électroniques aux États-Unis (où le livre papier est pourtant bien plus largement fixé que chez nous) est déjà trop cher. Ok on est arrivés à 12% du marché converti au livre dématérialisé (je doute qu'il y ait une proportion significative de non-lecteurs convertis par le numérique) mais si, comme je l'imagine il s'agit d'une proportion en valeur, ce chiffre est donc bien trop important par rapport à la base de lecteurs qu'il représente. Les éditeurs sont frileux, Amazon et les autres en profitent pour faire d'énormes marges, et au final le consommateur est blousé par cette révolution qui ne lui apporte pas un accès pécuniaire plus facile à la lecture. Compte-tenu du fait qu'il faut amortir une liseuse électronique (voire plusieurs pour une même famille...), le prix peu différent des eBooks rend cette innovation un attrape-gogo.

En France on a décidé de continuer à protéger l'industrie en instaurant un prix unique. Frilosité oblige il ne faut pas attendre des éditeurs, ainsi en position de force, qu'ils se montrent plus ambitieux et audacieux que ce qu'on observe aux États-Unis. Il n'y a qu'à voir les tarifs des nouveautés disponibles sur Amazon.fr et comparer avec les versions papier : Le passager, le dernier J-C Grangé, est à 25€ en papier (-5% en grande distribution) et à 19€ en version Kindle, Katiba, le dernier J-C Ruffin, est sorti en avril à 19€, il se retrouve en Kindle à 15€, mais il est aussi disponible depuis août au format poche à moins de 7€, un paradoxe que l'on retrouve aussi aux US. Quelle clairvoyance et quelle ambition commerciale époustouflante !

Il ne faudra pas s'étonner derrière que les éditeurs papiers brontosaures connaissent les mêmes déboires que leurs collègues de la musique et du cinéma. Je reviendrai dans mon prochain post sur mon expérience physique avec la lecture électronique, mais disons déjà qu'entre les différents formats fermés et les tarifs, le livre électronique promet de ne pas dépasser la niche des lecteurs fortunés et dépensiers qui n'ont pas peur de gaspiller leur argent dans un gadget qui ne leur permettra même pas de relire leurs vieux livres (même déjà achetés sur Amazon, ou la Fnac etc.) sur la tablette sans passer à la caisse. Au moins pour les CD et les DVD on pouvait ripper, puis avec les protections contre la copie on n'avait pas de scrupule à télécharger un titre déjà acheté, et puis finalement on prenait goût au téléchargement.

ECRITS DEMATERIALISES : LES JOURNALISTES EN LIGNE DE MIRE

Si le marché du livre numérique est mal barré en France, ce ne sera pas de la faute des journalistes, toujours prompt à s'enthousiasmer pour les nouvelles technologies et donc chanter les louanges d'une vie asservie à Facebook, Apple ou maintenant Amazon. La qualité du journalisme français est déjà franchement pitoyable si on compare à la presse anglo-saxonne, mais justement on arrive à leur niveau, très haut dans la servilité, sur la question de l'enthousiasme béat pour les communiqués de presse (et grandes messes) des entreprises Hi-Tech.

L'annonce solennelle du Kindle Fire faite par Jeff Bezos à New-York a été simplement reproduite, argument par argument, dans la presse sans aucune analyse sérieuse. Le prix très bas de 200$ a à peine suscité quelques questions sur des sites plus spécialisés Hi-Tech. Mais personne, personne, n'a mentionné le fait qu'Amazon ne faisait que rattraper son retard sur Barnes & Noble qui a dépassé le Kindle aux Etats-unis grâce notamment à son Nook Color qui est justement une tablette-liseuse Android Wifi de 7 pouces permettant de surfer voire d'écouter de la musique et de regarder des films. Le Nook Color est sorti en novembre 2010 à 250$. Le Kindle Fire va sortir en novembre 2011. Amazon a dû sortir de son OS propriétaire du Kindle et mettre les bouchées doubles pour proposer une liseuse-tablette sous Android au potentiel commercial plus important. La presse elle se contente de gober le discours marketing officiel de la marque et de présenter le Kindle Fire comme une révolution.

Personnellement, après avoir beaucoup creusé le sujet, mon choix s'est porté sur le Nook Color il y a quelques mois. Certes je ne peux pas acheter de livres en Europe sur le site bn.com. Et alors ? On trouve tout sur internet, non ?

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