mercredi 22 octobre 2008

Si par une nuit d'hiver un voyageur

Si les verbicrucistes s'amusaient à faire des romans, ils donneraient dans l'OuLiPo. En tout cas ma contrainte à moi c'était de placer un mot peu courant de plus de 12 lettres en tête de l'entrée du jour. Bref, quand on s'intéresse à l'oeuvre d'un membre de l'OuLiPo on peut craindre une certaine frustration : intellectuellement oui ça a des chances d'être intéressant, mais justement niveau littérature ça se triture "les boyaux de la tête" et c'est pas bon pour mon cholestérol (je veux dire, pour la santé générale du truc).

Est-ce que cette analyse-généralisation a posteriori est confirmée par notre sacro-sainte démarche de statisticien i-69-114 pour le roman d'Italo Calvino Si par une nuit d'hiver un voyageur ?
Première page ("Chapitre un") : l'auteur parle au lecteur, le met en situation de se relaxer pour partir en voyage. C'est agréable ces attentions, rien à dire, c'est bien dit, mais pourtant, en s'adressant à moi en tant que lecteur, l'auteur ne veut pas que j'oublie ma situation. Il me refuse l'évasion totale qu'il se propose cependant de mettre en scène au niveau créatif. Vous voyez, c'est déjà très intellectuel comme démarche.
Passons outre, c'est bien écrit donc cela suffit à pousser la curiosité plus loin. A vous McLuhan.
Page 69. Chapitre intitulé "Penché au bord de la côte escarpée". On dirait du Kafka, le lecteur potentiel arrivé ici ne sera pas convaincu, et pour cause. Le passage qui échoue page 69 n'est qu'un passage d'un des avatars de récit que lance Calvino. En l'occurrence ce n'est pas celui dont le parti-pris stylistique est le plus intéressant et de surcroît on retrouve à l'intérieur du texte des mots qui rappellent la construction purement intellectuelle du récit, et plutôt que récit je dirais : l'expérience créative soumise à l'intellect du lecteur.

La page 114 nous apporte-t-elle plus de motivation pour nous perdre dans ce dédale où le créateur se complaît-il dans les plans de sa construction d'avant-garde sans jamais s'abaisser à penser à l'aspect purement fonctionnel ? P.114, fin du "Chapitre Cinq", c'est à dire d'un interlude entre deux avatars de l'exercice de style hyperbolique où l'auteur revient vers le lecteur dans un contexte d'écriture mise en abyme (et combien vertigineuse à force).
Il y a des années que Cavedagna vit auprès des livres pendant qu'ils se font, pièce à pièce, qu'il voit des livres naître et mourir tous les jours, et pourtant, les vrais livres, pour lui, c'est autre chose : ce sont ceux du temps où, pour lui, les livres étaient les messagers d'autres mondes.

Confirmation complète de l'idée générale de cette production : attention, lecture intellectuelle ! Évidemment certains passages sont brillants, mais au final c'est un exercice de style que le lecteur qui cherche simplement le plaisir de lire (sans cahots intellos) pourra s'épargner.
Le lecteur avare de son temps remerciera donc McLuhan pour cette règle qui prouve, encore une fois ici, toute sa valeur !

PS Contrairement au livre précédent la traduction est ici limpide, ce n'est pas parce qu'on n'a rien à lui reprocher qu'il faudrait l'oublier !

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