lundi 7 septembre 2015

Millénium 4 - The Girl in the Spider's Web

J'ai pris l'habitude de lire Millénium en anglais donc je continue. Le titre anglais reste sur l'interprétation marketing éloignée du titre original, mais qu'importe maintenant qu'on s'éloigne du travail de l'auteur original ?
Par rapport aux titres choisis par Stieg Larsson, Ce qui ne me tue pas ne mange pas de pain non plus, mais je dois avouer que je trouve la couverture française rebutante. Quand je lis Millénium, Lisbeth Salander ne prend pas dans mon esprit les traits de Noomi Rapace ou Rooney Mara, mais alors ce dessin baveux... Les éditeurs d'autres pays ont le bon goût de simplement suggérer un corps ou à la limite un visage de 3/4, alors qu'est-ce que c'est que cette idée de bibliothèque rose de tirer le portrait du héros en couverture ?

David Lagercrantz s'est attelé à l'ouvrage de reprendre le flambeau. Voyons rapidement quelle impression ça donne.

Incipit : Prologue et liminaire de la Partie I.
Imitation quand tu nous tiens... je n'ai pas réussi à voir ce prologue comme quelque chose qui me ramenait à la continuité des 3 tomes de Stieg Larsson. Un peu gros comme procédé introductif lourdingue de polar : cet instantané de 4-5 lignes se serait d'après moi mieux fondu dans un vrai premier chapitre que là, tout nu, tout raide.
Cet histoire commence par un rêve, et un rêve plutôt banal.
C'est un stéréotype éculé que de commencer une histoire (et a fortiori pour un scénario qui n'a justement aucune prétention littéraire) par le héros qui se réveille. On regrette que Stieg Larsson n'ait pas eu le temps de corriger quelques détails et lieux communs journalistiques (et profiter un peu de son succès), mais quelle est l'excuse ici pour que l'éditeur original laisse ce prologue nul et insignifiant ?

La partie I est introduite par un petit brief wikipedia sur la NSA. Entendre parler de la NSA ça m'évoque d'emblée une série TV américaine et au delà je pense qu'en août 2015 une très très large majorité des lecteurs de Millénium connaissent, en gros, le principe de la NSA. Donc après le prologue très médiocre on tombe dans un nouveau teaser qui justement ne suscite pas plus que ça la curiosité et nous ramène à un bas niveau de polar.

Page 69. On tombe par hasard sur Lisbeth Salander, mais un personnage assez désincarné entre abus d'alcool et petite pensée pour Mikael Blomkvist. Pas vraiment le personnage extrêmement sûr de lui et donc devenu très froidement pro au fil des histoires précédentes.

mercredi 1 juillet 2015

Dix petits nègres


Cet air de vacances me rappelle l'époque où je dévorais des romans policiers et d'aventures sans trop me poser de question. Mais justement cela faisait partie de la formation de l'esprit critique. Chez les fans de littérature policière j'ai quand même tendance à voir des gens qui en sont restés à cet age naïf qui relie l'enfance à l'adolescence. Je ne critique pas le fait de conserver la capacité à s'émerveiller : tout le monde a besoin d'avoir conservé une "passion simple" qui le rattache à ce qu'il est vraiment, ce qui n'a pas changé au fond de lui. Je suis plus sévère avec les gens qui se complaisent dans le divertissement total. Mais il est vrai que la société de consommation cherche à nous infantiliser à la moindre occasion...


Je n'ai jamais lu d'Agatha Christie avant l'âge adulte. J'avais tenté le Meurtre de Roger Akroyd sans être intéressé par la manière dont l'histoire se développait et je n'ai pas insister après être tombé sur une description du livre donnant le fin mot de l'histoire. Parce que c'est effectivement ça le problème du 'whodunit' : on lit ça comme une énigme, comme un puzzle standard, comme on ferait un sudoku, une partie de solitaire (de candy crush ??), pour se libérer l'esprit (ou se l'occuper, c'est selon) à bon compte. Je suis assez tôt devenu fan d'Hitchcock et d'un point de vue technique narrative son talent pour le suspense était au niveau de son dénigrement du 'whodunit' (en réponse d'ailleurs à des questions récurrentes sur le fait qu'il n'adaptait pas Agatha Christie).

A l'age adulte j'ai été incité de tenter l'expérience : parce que des gens intelligents m'y incitaient et que je ne pouvais donc pas évacuer ça définitivement d'un revers de main sans y avoir goûté. Et Dix petits nègres était censé être le chef d’œuvre du genre. L'incipit est très représentatif du style de ces "romans de gare" : c'est fonctionnel, c'est du reportage, de l'écriture journalistique faite pour ne laisser la place à aucune ambiguïté de langage. En deux mots : une absence de style assumée, ramenant les mots à leur fonction primaire de venir habiller le plan de l'auteur.
Confortablement installé dans le coin d'un compartiment de première classe, le juge Wargrave, depuis peu à la retraite, tirait des bouffées de son cigare en parcourant, d'un œil intéressé, les nouvelles politiques du Times.
Bientôt, il posa son journal sur la banquette et jeta un regard par la vitre. Le train traversait le comté de Somerset. Le juge consulta sa montre: encore deux heures de voyage!  Alors, il se remémora les articles publiés dans la presse au sujet de l'île du Nègre.