La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert
Phénomène de la rentrée (ou pas - pour utiliser un tic de ponctuation rhétorique qui m'agace en ce moment) La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert ne se distingue pas par son titre. Au moins disons que ce n'est pas un roman qui essaie de se la raconter avec un titre profundus de profundibus. Mais ne commençons pas à préjuger d'un roman sur son titre, ce serait vraiment du délit de sale gueule.
Ce deuxième roman de Joël Dicker a fait parler de lui en étant présélectionné pour le Goncourt début septembre, soit quelques semaines avant sa sortie en rayons. Le barrage de louanges est assez impressionnant, et enthousiasmant quand on a l'habitude de voir passer les publi-rédactionnels cul-pincés des différentes chapelles lors de chaque rentrée littéraire. J'achète (version papier malheureusement, c'est lourd 650 pages quand on est habitué à un appareil électronique...).
Incipit
Il correspond à une page intitulée Le jour de la disparition, décrivant brièvement l'événement central de l'intrigue ayant eu lieu à l'été 1975, soit 33 ans avant le temps présent du récit (2008). On est à fond dans le roman policier. Rien pour me déplaire, au contraire, je préfère une intrigue prenante aux élucubrations pseudo-intellectuelles d'un Houellebecq (ah, j'en ai déjà parlé ?) et autres considérations beta-cyniques pour mâle germano-pratin en mal de reconnaissance par une postérité à inventer (oui, il y a vraiment des gens malheureux en ce bas monde).
Le prologue qui suit cette première page nous présente le héros-narrateur. C'est un jeune écrivain à succès new-yorkais. Là je suis un peu plus dubitatif. Mise en abyme à la noix ? Nombrilisme conventionnel pour écrivain qui a compris la recette de l'auteur prétentieux, mais prétentieux au 42ème degré (oui, je sortais juste de la Carte et le Territoire - victoire de H-Becq par abandon dans le deuxième set) ? A priori ya de quoi naviguer à distance de ces écueils si l'intrigue policière fait le poids comme contrepoids anti-intellectuel.
Page 69
Avec une seule édition (pas de poche encore, ni de traduction à ma connaissance) c'est la même pour tout le monde : le monde est bien fait, c'est la description de la fameuse journée de la disparition par le flic du coin. On est à 100% dans le policier. De fait en prenant une autre page (chacun son carottage) on pourrait aussi bien tomber sur une pause dans le rythme de l'enquête qui correspond plus à la vie de notre apprenti-détective, ou plus exactement alors de notre auteur en mal d'inspiration.
Page 114
Coïncidence : c'est la suite directe du fil de la page 69. Le héros revient voir le flic pour lui demander de l'amener sur les lieux de l'action de 1975. Conclusion, les lecteurs pour qui un polar, une intrigue policière, ce n'est pas assez bien pour eux auront tôt fait de faire les fines bouches. Sinon rien de particulièrement excitant je dois dire. La narration ne fait rien apparaître de particulier niveau style, il faut bien l'avouer. Tant mieux, on va à l'essentiel, mais comme certains ont pu le faire remarquer on a un peu l'impression de lire la traduction d'un best seller US. Personnellement, le rythme, le découpage me rappellent beaucoup le premier tome de Millenium qui naviguait aussi entre les problèmes du héros et une enquête sur une disparition mystérieuse plus de trente ans avant en 1966. Bon c'est cadre assez standard de polar, mais j'ai vraiment l'impression d'être dans la même dynamique.
Je vais finir de le lire comme un polar : ce rythme particulier permet de gérer efficacement action et suspense. Ceci dit je reste intrigué qu'il soit positionné comme un roman qui est plus qu'un polar. Y a-t-il un virage plus loin qui permet d'aller au delà de la simple intrigue bien ficelée ? Je suis très curieux, et en tout état de cause je me contenterai d'une intrigue bien ficelée, même si je trouve que 20 euros ça fait cher pour le polar de l'automne 2012.