mardi 25 octobre 2011

Damned

Non, ce n'est pas une allusion à Tintin (ou, plus probable, à Blake et Mortimer), c'est le titre du dernier Chuck Palahniuk. Je n'avais rien lu de lui avant, juste subi l'adaptation ciné de Fight Club. Mon a priori : auteur branchouille dans le pur style énervé limite nihiliste qui se vend bien à notre époque (comme Houellebecq chez nous, et Salinger avant eux).

PREMIER TEST E-BOOK

J'ai commencé cet été à lire sur mon Nook Color avec Liar's Poker, un bon bouquin sur la flambée de la haute finance dans les années 80 qui peut aider à remettre en perspective la situation actuelle pour les plus jeunes. Mais je n'avais toujours pas fait le test dans mes lectures numériques.

PROPHETIE AUTOREALISATRICE

Autre aparté qui va devenir la règle : le prix du ebook. 6 euros pour Liar's Poker ça fait encore cher pour un bouquin sorti il y a 22 ans. Pour Damned Amazon le met à 11 euros. C'est le même prix que la version poche (papier) sur thebookdepository.co.uk (livraison gratuite en France aussi) : tant pis, dans chaque cas les versions piratées sont à 2-3 clics de là.

Comme pour les banques qui retirent leurs investissements de peur que le marché ne soit plus assez liquide/solide, c'est une belle prophétie auto-réalisatrice à laquelle les éditeurs se préparent. Ebooks au même prix que le papier de peur qu'il y ait cannibalisation/pour prendre de l'avance sur le manque à gagner des téléchargements gratuits, donc prix qui incitent à aller voir ailleurs que l'offre légale-prix-unique en décalage complet avec les nouveaux modes de consommation du numérique.

BREF : DAMNED, p.69 & p.114

Tout ça pour dire que j'ai été incité à lire Damned par cette critique du New York Times qui avait l'air de dire que Chuck Palahniuk s'était repris après une récente production en chaine peu folichonne. Sauf que, comme avec les bandes-annonces au cinéma, les meilleurs morceaux isolés donnent une image fausse de l'ensemble. Quand on n'est pas rodé à ça on se fait avoir. C'est pareil avec les critiques littéraires, il faut savoir lire entre les lignes et en aucun cas ne faire confiance à un tiers (surtout pas un journaliste) pour faire un sondage rigoureux.

La page 69 n'est pas exactement représentative des pages précédentes (oui j'ai triché, j'ai déjà lu le début du roman), mais le style est là. Comme tout a la forme d'un journal intime de l'héroïne Madison Spencer, la page est représentative. Mais, comme j'ai triché je peux le dire, les descriptions sont moins dans le grotesque glauque de l'héroïne en Enfer (l'essentiel des 70 premières pages) puisqu'elle revient sur sa vie terrestre. Il n'en reste pas moins que le lecteur expérimenté retrouvera dans l'exercice de style "je me lâche par la voix d'une ado de 13 ans" quelque chose de vain et prétentieux sur la durée d'un roman (pas intrinsèquement prétentieux, mais surtout ajouté au fait que cette ado est morte et déblatère sur son expérience de la vie dans ce contexte farfelu et scatologique, comme une blague d'ado, de l'Enfer vu par l'auteur).

La page 114 s'impose donc. Là encore on est dans les réflexions de Madison Spencer plus que dans la lourde description de l'Enfer par un auteur aux idées engourdies par la société US. Madison approfondit une critique virulente de sa mère. Dit comme ça, rien de particulièrement rebutant, mais encore une fois il faut voir que c'est une approche faite pour être délayée sur tout le roman. D'où la pertinence de faire le test sur 2 pages. Dans notre cas 69+114 rien de particulièrement passionnant, ni énervant à froid, à déceler dans la linéarité de la narration plafonnée au niveau d'une adolescente énervée. Avec un peu de perspective, cette adolescente est énervée comme tous ces auteurs dont le fond de commerce consiste à cracher dans la soupe de la société de consommation. Et les critiques littéraires se pâment en trouvant ça profond.

Le pire étant que d'après l'historique des ventes numériques sur Amazon, les ebooks ne vont pas tirer la production vers le haut.

lundi 10 octobre 2011

Expériences de lectures électroniques - Nook Color

Pour résumer la longue analyse des infos disponibles sur le web pour savoir si je franchirais le pas, c'est la polyvalence qui m'a décidé. Pour cette même raison, validée par le marché US aux dépends d'Amazon, qu'une liseuse-tablette de 7" (donc écran LCD) est une bien meilleure proposition de valeur qu'une liseuse avec navigateur web expérimental (encre électronique, pas de rétro-éclairage, donc la meilleure expérience de lecture). Et Barnes & Noble avec son Nook Color était tout seul sur ce marché. Je ne regrette d'ailleurs pas cet acquisition avec l'arrivée du Kindle Fire car je reproche toujours à Amazon son format et sa boutique fermés, ce que le Kindle Fire ne va que renforcer. En attendant de juger sur pièces les 2 concurrents américains, il n'y a pas photos

Le Nook Color lit le format standard de eBook (.epub) ainsi que le format mobipocket (.mobi), le pdf, etc. Étant à la base une tablette Android (2.2 puis 2.3) avec une sur-couche constructeur on a toujours la possibilité, non négligeable quoique réservés aux connaisseurs, de "rooter" la tablette pour y mettre l'OS Android nu, par exemple la dernière version 'Ice-cream Sandwich' (3.1). Personnellement je n'ai pas envie de rentrer dans cette bidouille, l'interface B&N répondant parfaitement à mes besoins en termes d'ergonomie et de réactivité : "if it ain't broke, don't fix it!".

Calibre est mon logiciel de choix pour gérer ma bibliothèque d'eBooks, et surtout pour convertir des fichiers PDF (image) en epub (ou mobi) ou encore des fichiers Kindle (azw). Comme je ne peux pas acheter depuis la librairie en ligne Barnes & Noble (bn.com) sans avoir d'adresse US je suis obligé de me débrouiller autrement. Téléchargements gratuits évidemment, mais j'ai aussi testé la boutique Kindle du site US.

Il fallait s'y attendre le livre acheté (The Box, un recueil de nouvelles, décevantes, de Richard Matheson) est protégé par des DRM. Korben est fan du Kindle mais pas de la Fnac, mais il pourrait aussi bien critiquer les DRM Amazon. Autant ses remarques ont permis à la Fnac d'améliorer leur site en précisant les DRM, autant pour Amazon je crois qu'on peut rêver(. Encore pour un livre acheté, pour lequel Amazon me force à avoir un Kindle ou une application Kindle pour recevoir la commande, on peut comprendre même si la pratique est énervante (et pousse donc au téléchargement gratuit). Mais là où je ne suis plus prêt à rien pardonner à Amazon c'est que le téléchargement gratuit de livres dans le domaine public donne des fichiers Kindle protégés par des DRM. Ca a été le cas pour Tom Sawyer/Huckleberry Finn (Mark Twain) et A Tale of Two Cities (Dickens) : il a fallu que je trouve un logiciel qui dégage les DRM. Autant dire que je ne vais pas souvent aller acheter des livres sur Amazon.

Convaincu par mon expérience de lecture numérique j'ai vite réfléchi à acquérir une liseuse à encre électronique.

  • 1/ Parce que, en déplacement, dans les transports, pas besoin de la polyvalence d'une tablette et
  • 2/ parce que la polyvalence a un coût en terme de poids (plus de 400 grammes pour le Nook Color, un peu moins pour le Kindle Fire) comme en terme de confort de lecture direct (reflets sur le LCD).
Je pensais encore récemment acquérir comme deuxième liseuse le dernier Kindle Touch (annoncé pour la fin d'année) parce que l'expérience de tourner les pages par simple toucher de l'écran me parait un confort trop grand pour essayer de passer par un bouton à actionner. Et puis la dernière liseuse Sony est arrivée (ce mois-ci) et permet même de saisir des notes avec un stylet. J'ai trop de griefs contre Amazon pour revenir vers le Kindle maintenant.

A suivre...

Réflexions sur le livre électronique

Faire un petit sondage (sur une ou plusieurs pages dans l'ordre de grandeur conseillé 69, 99, 114) semble bien plus facile pour des livres dans leur version numérique. Une connexion internet, et pour peu que le contenu du livre recherché soit disponible dans Google ou sur Amazon, on a tout de suite notre échantillon de décision à l'achat. Évidemment le thème de ce blog suppose qu'on ne se laisse pas aller à faire confiance à un argument marketing ou à un conseil plus ou moins avisé d'une personne plus ou moins proche de nous par ses goûts/exigences/pertinence du jugement.

Or justement le "geek", c'est à dire dans la définition courante de ce terme (péjoratif à l'origine) le fan de nouvelles technologies, ni trop "early adopter" pédant ni trop victime marketing bisounours, en un mot le technophile curieux et enthousiaste que je suis aura tendance à croire, dans un premier temps, puis à vouloir ce changement qui pousse à terme à la marginalisation du support papier.
Personnellement j'ai observé de loin les premiers avatars de machines à encre électronique, puis les premiers appareils viables. De loin le Kindle avec Amazon comme plateforme a toujours été la mieux placée des tentatives, et même l'initiative essentielle pour faire exister et dynamiser ce marché. Ceci dit les premières versions du Kindle de 2007 à 2010 restaient à mes yeux des "ardoises magiques adultes". Sans même évoquer la question de l'offre (j'y reviendrai) la fermeture du Kindle sur son format propriétaire m'a définitivement détourné d'en acquérir un. Je n'ai jamais voulu utiliser iTunes, et donc posséder un iPhone ou un iPod pour cette même raison que je suis un consommateur très exigeant sur la valeur réelle de ce qui m'est vendu.

Comme l'illustre ce blog je n'achète pas à la légère sur le simple principe de la nouveauté, du coup de cœur pour un produit "beau" "génial" "révolutionnaire". Je sais me faire plaisir et parfois, pas tout le temps heureusement, ce plaisir passe par le fait d'avoir creusé le sujet très en profondeur pour être sûr qu'aucun détail ne m'a échappé. Ainsi m'arrive-t-il de me lancer dans une recherche effrénée d'information sur un produit (ou un livre, quoiqu'effréné serait exagéré pour parler d'un test de lecture) et que mon enthousiasme de départ, aiguillonné par un marketing de plus en plus pressant avec internet et les réseaux sociaux, ne survive pas aux résultats de mon analyse poussée. Dans cette discipline, dont je me doute qu'elle ne concerne qu'une bande d'irréductibles gaulois, j'ai surtout fait des achats d'impulsion pour faire plaisir et en ce qui concerne la lecture (et tout ce qui touche à des "expériences esthétiques") partager gratuitement ses expériences est sans commune mesure avec un achat ou une nouvelle expérience de consommation.

Le grand mérite du Kindle donc est bien d'avoir réussi à lancer la dématérialisation du dernier vecteur de culture populaire, après la musique et le cinéma. Mais à mes yeux Amazon lorgne trop sur le modèle éminemment fermé de ce qu'Apple a réussi avec les mp3. Il y a 2 solutions pour une entreprise qui veut fidéliser ses clients : leur assurer jour après jour le meilleur service, et les empêcher d'aller voir ailleurs. La première solution seule serait malheureusement trop naïve pour une entreprise qui doit avoir, derrière son discours marketing de vouloir le bien du client, un stratégie plus élaborée pour maximiser ses investissements.

Avec l'annonce récente du Kindle Fire, Amazon a confirmé cette approche poussée à l'extrême, un extrême largement critiqué sur Facebook qui consiste à vouloir aspirer la vie numérique des consommateurs. Je ne dis pas que le Cloud n'apporte pas un réel service, mais je dois garder l'assurance que le profiling est totalement privé (illusoire) et l'option de récupérer et/ou effacer mes données. Dans le cadre d'achats de mp3 ou de livres numériques, je dois pouvoir utiliser ces fichiers sans restrictions. Ou alors il ne faut pas parler d'achat "d'un droit d'accès encadré par les conditions générales du site", mais directement d'une location dans un cadre précis. Dans ce cas il faudrait revoir un peu la politique tarifaire.

PRIX UNIQUE, PRIX INIQUE

Avant d'arriver en France je dois dire que le prix des livres électroniques aux États-Unis (où le livre papier est pourtant bien plus largement fixé que chez nous) est déjà trop cher. Ok on est arrivés à 12% du marché converti au livre dématérialisé (je doute qu'il y ait une proportion significative de non-lecteurs convertis par le numérique) mais si, comme je l'imagine il s'agit d'une proportion en valeur, ce chiffre est donc bien trop important par rapport à la base de lecteurs qu'il représente. Les éditeurs sont frileux, Amazon et les autres en profitent pour faire d'énormes marges, et au final le consommateur est blousé par cette révolution qui ne lui apporte pas un accès pécuniaire plus facile à la lecture. Compte-tenu du fait qu'il faut amortir une liseuse électronique (voire plusieurs pour une même famille...), le prix peu différent des eBooks rend cette innovation un attrape-gogo.

En France on a décidé de continuer à protéger l'industrie en instaurant un prix unique. Frilosité oblige il ne faut pas attendre des éditeurs, ainsi en position de force, qu'ils se montrent plus ambitieux et audacieux que ce qu'on observe aux États-Unis. Il n'y a qu'à voir les tarifs des nouveautés disponibles sur Amazon.fr et comparer avec les versions papier : Le passager, le dernier J-C Grangé, est à 25€ en papier (-5% en grande distribution) et à 19€ en version Kindle, Katiba, le dernier J-C Ruffin, est sorti en avril à 19€, il se retrouve en Kindle à 15€, mais il est aussi disponible depuis août au format poche à moins de 7€, un paradoxe que l'on retrouve aussi aux US. Quelle clairvoyance et quelle ambition commerciale époustouflante !

Il ne faudra pas s'étonner derrière que les éditeurs papiers brontosaures connaissent les mêmes déboires que leurs collègues de la musique et du cinéma. Je reviendrai dans mon prochain post sur mon expérience physique avec la lecture électronique, mais disons déjà qu'entre les différents formats fermés et les tarifs, le livre électronique promet de ne pas dépasser la niche des lecteurs fortunés et dépensiers qui n'ont pas peur de gaspiller leur argent dans un gadget qui ne leur permettra même pas de relire leurs vieux livres (même déjà achetés sur Amazon, ou la Fnac etc.) sur la tablette sans passer à la caisse. Au moins pour les CD et les DVD on pouvait ripper, puis avec les protections contre la copie on n'avait pas de scrupule à télécharger un titre déjà acheté, et puis finalement on prenait goût au téléchargement.

ECRITS DEMATERIALISES : LES JOURNALISTES EN LIGNE DE MIRE

Si le marché du livre numérique est mal barré en France, ce ne sera pas de la faute des journalistes, toujours prompt à s'enthousiasmer pour les nouvelles technologies et donc chanter les louanges d'une vie asservie à Facebook, Apple ou maintenant Amazon. La qualité du journalisme français est déjà franchement pitoyable si on compare à la presse anglo-saxonne, mais justement on arrive à leur niveau, très haut dans la servilité, sur la question de l'enthousiasme béat pour les communiqués de presse (et grandes messes) des entreprises Hi-Tech.

L'annonce solennelle du Kindle Fire faite par Jeff Bezos à New-York a été simplement reproduite, argument par argument, dans la presse sans aucune analyse sérieuse. Le prix très bas de 200$ a à peine suscité quelques questions sur des sites plus spécialisés Hi-Tech. Mais personne, personne, n'a mentionné le fait qu'Amazon ne faisait que rattraper son retard sur Barnes & Noble qui a dépassé le Kindle aux Etats-unis grâce notamment à son Nook Color qui est justement une tablette-liseuse Android Wifi de 7 pouces permettant de surfer voire d'écouter de la musique et de regarder des films. Le Nook Color est sorti en novembre 2010 à 250$. Le Kindle Fire va sortir en novembre 2011. Amazon a dû sortir de son OS propriétaire du Kindle et mettre les bouchées doubles pour proposer une liseuse-tablette sous Android au potentiel commercial plus important. La presse elle se contente de gober le discours marketing officiel de la marque et de présenter le Kindle Fire comme une révolution.

Personnellement, après avoir beaucoup creusé le sujet, mon choix s'est porté sur le Nook Color il y a quelques mois. Certes je ne peux pas acheter de livres en Europe sur le site bn.com. Et alors ? On trouve tout sur internet, non ?