jeudi 30 septembre 2010

Test de la page 99

J'apprends aujourd'hui qu'avant Marshall McLuhan, Ford Madox Ford (qui n'est pas mort à 99 mais 63 ans) avait lui proposé l'idée du test de la page 99. L'article en lien résume très bien la logique et l'intérêt du test.

Il n'est pas question de débattre de quelle page est la plus pertinente pour ce sondage de lecture : 69, 99... 114, l'idée générale est là. De même que chacun a sa propre personnalité, sa propre expérience et ses propres attentes de lecteur, chacun peut avoir son numéro fétiche pour sonder une lecture potentielle. Disons qu'entre 69 et 99 toutes les pages peuvent remplir le même office, et d'ailleurs entre deux éditions d'un même livre la page 69 et la page 99 peuvent très bien correspondre au même passage de l'intrigue.

mercredi 15 septembre 2010

Millénium 3 : The Girl who kicked the Hornets' Nest

Mon approche du test de la page 69 sur le tome 2 de Millénium n'était pas complètement objective. J'étais déjà bien avancé dans la lecture et comme la trame y est beaucoup plus décousue que dans le premier tome, j'étais assez déçu. OK, le tome 1 n'était pas un chef d'œuvre, simplement un très bon thriller faisant de l'original avec des éléments éculés du polar. Ce qui est déjà en soi un tour de force. Stieg Larsson écrivait ça pour le plaisir, et si son héros (voire son style) est plus fadasse que chez James Ellroy, l'intrigue, elle, n'avait rien à envier aux spécialistes du genre.

Bref le tome 2 est largement en dessous. La trame est transparente, Stieg Larsson fait mine de la compliquer en multipliant les niveaux de narration (Blomkvist, Salander, le staff de Millénium, le staff de la police, le grand méchant blond, les vieilles connaissances de Salander...), ce qui n'est déjà malheureusement pas magistral, et surtout en diluant une action qui recourt à la violence plus souvent que le suspens ne le demandait. Le test de la page 69 en était révélateur : celui qui ne cherche qu'une lecture facile n'y trouvait rien à redire. Le lecteur plus critique pouvait y déceler des raisons d'éviter de perdre son temps.

Et puis tout est résumé dans le premier chapitre du tome 3 que je vais maintenant tester sans autre a priori.

Petite déception, pas de prologue appétissant cette fois-ci mais une plate continuité avec la fin du tome 2. Autant Stieg Larsson paraissait aimer jouer avec les ellipses, autant cette approche ressemble à de la paresse. L'incipit est donc loin d'intriguer autant que dans les deux précédents volumes. De plus on a droit au point de vue d'un chirurgien urgentiste qui ne nous fait certainement pas avancer plus loin dans ce que sera le cœur de l'intrigue de cette dernière aventure. Le titre original, bien rendu dans la traduction française, La Reine dans le palais des courants d'air (une traduction littérale de l'original serait "Le château en Espagne qui a été rasé"), est nettement plus engageant que ce début d'intrigue complètement quelconque.

Mais nous savons bien que, pas plus qu'aux quatrième de couv', il ne faut pas se fier aux débuts de roman. La page 69 (fin du chapitre 3 - partie I) comporte des éléments standard d'un polar. L'action est induite dans les deux passages de la page : le rythme de la narration est bon. Rien de très intriguant (heureusement d'ailleurs, sinon il y aurait risque de spoiler), mais on semble être dans le bon tempo.

La page 114 (partie I toujours, milieu du chapitre 5 sur 7) vient-elle confirmer cette impression ? On tombe sur un passage laissant supposer que l'intrigue se tourne largement vers une histoire d'espionnage, ou plus précisément une enquête sur les services spéciaux suédois, comme le passé de Zalachenko le laissait imaginer. Le côté mystérieux est là en tout cas dans une déclinaison très films de complots des 70s avec "révélations sur des pouvoirs occultes".

En ce qui concerne mon expérience de lecteur la matière a l'air d’être là mais rien de très enthousiasmant. Lassitude après un premier tome mieux ficelé ? Lassitude pour ces 2 héros finalement très sommaires donc peu attachants ? Ou est-ce juste que la maitrise romanesque et le style ne prennent pas le relai de la curiosité sur la durée ? En tout cas tout ça me semble moins original.
Verdict sur la valeur du test des pages 69-114 à la fin de ce dernier pavé de la trilogie Millénium.

EDIT 23/9 : Ce tome 3 était finalement le meilleur (et le plus long d'ailleurs) malgré le fait que le suspens est relativement limité (nos héros ont assez vite, et de plus en plus, de l'emprise sur l'histoire). Quelques surprises ajoutent une grosse dose d'action mais l'essentiel se lit comme une enquête passionnante : ce n'est pas la conclusion qui nous intéresse mais les détails pour comprendre l'engrenage caché derrière des manifestations dramatiques. Le tome 2 était lui assez anecdotique.

mardi 7 septembre 2010

Millénium 2 : The Girl Who Played with Fire

Même en s'approchant du titre original - La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette - les marketeux anglais ont trahi l'auteur. L'image est pourtant précise et apparaît dès les premières pages. Cet incipit démarre d'ailleurs sur les chapeaux de roue puisque l'héroïne s'y trouve dans une très mauvaise posture qui nous ramène aux moments les plus tendus du tome 1. Mais...

Mais, en réalité, ce tome 2 ne démarre pas avant le premier quart, ce qui fait tout de même plus de 180 pages sur 700+. Déjà le tome 1 était lent à démarrer, il fallait se goinfrer les 60 premières pages (sur 550 dans mon édition anglaise) avant que l'intrigue ne démarre. Dans ce tome 2 c'est d'autant plus long qu'il n'y a plus aucun effet de surprise lorsque le gentil récit journalistique se prend une grenade à fragmentation dans la face. Certes l'auteur nous concocte un petit mystère qui débouche sur une enquête méthodique, finement découpée, mais servie sur un rythme tiédasse, un peu laborieuse vu les infos qu'on a déjà accumulées depuis le début du roman.

La page 69 tombe donc en plein dans le ventre mou proéminent du roman. Permet-elle au lecteur-échantillonneur, donc avare de son temps, de se faire une bonne idée de ce qui l'attendrait ? Nous sommes à la fin de la partie 1 (chapitre 3). Soit dit en passant l'auteur choisit comme gradation dans le titre de ses parties des équations mathématiques sommaires progressivement plus "complexes". Puéril et faiblard puisqu'il nous dit dès la première partie que Salander s'intéresse à démontrer le théorème de Fermat.
Nous sommes dans les Antilles et une grosse tempête arrive. Gros temps donc et gros suspense météorologique. Superficiellement il y a de l'action et on peut se laisser bluffer (Stieg Larsson avait peut-être réfléchi à proposer un peu d'action entre les pages 60 et 80...) mais à y réfléchir d'un peu plus près, il n'y a pas cet élément exogène un peu mystérieux, ce côté oreille qui traine pour prendre la conversation en route. L'action est nue au milieu d'un décor dont font partie les personnages autour de Salander.

A la page 114 le roman n'est toujours pas lancé, est-ce que l'impression générale à ce point diffère de ce qu'on peut trouver (superficiellement ou pas) à la page 69 ? Nous sommes au milieu du chapitre 5 et en pleine exposition de l'enquête sur les réseaux de prostitution. Rien à dire, autant la page 69 montre qu'on s'égare un peu sous les tropiques pour commencer, autant le ton de l'histoire est parfaitement donné page 114. Ceux qui trouvaient le tome 1 trop violent comprendront qu'ils feraient mieux de passer leur chemin. Ceux qui réfléchissent un peu se diront qu'il n'y a pas grand chose à écrire de neuf dans un contexte policier sur la prostitution. Réseaux donc maffia, donc violence, hommes politiques et haut fonctionnaires impliqués qui étouffent les affaires en jouant double-jeu... Bref, le style et la mécanique narrative ont intérêt à être à la hauteur. Quand je pense que certains ont du se goinfrer ça dans la traduction française lourdingue car bâclée pour des impératifs commerciaux...

Millénium 2 a l'air moins original que le premier tome, moins resserré dans son intrigue aussi. Ceci dit, pour en avoir lu plus de la moitié déjà, je dois dire que la mécanique fonctionne. C'est dû en grande partie à l'enquête policière avec sa ribambelle de personnages, un peu manichéens certes mais qui permettent de prendre un peu le large d'avec le pâlichon Blomkvist et son équipe de boy-scouts. Tout ça n'est pas magistral, mais on continue à consommer en client fidèle.